De Londres à Las Vegas, le magicien français Butzi régale et impressionne les amateurs de l’illusion aux quatre coins du monde. Le 29 novembre prochain, il fera une halte au Grand-Duché de Luxembourg pour participer à la dixième édition du Gala Marketers. Avant cela, BEAST est allé à la rencontre de magicien-speaker pour discuter d’innovation et de créativité dans le domaine de la magie… mais pas seulement !
Grand défenseur de l’innovation et de la créativité, vous pensez qu’il est nécessaire de les laisser s’exprimer pour s’épanouir dans son activité. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Tout d’abord, je comprends ce que vous voulez dire en utilisant ce vocabulaire mais je vais être embêtant et insister sur les mots (c’est en partie mon métier) ; premièrement, je ne me considère pas comme un « grand défenseur » de la créativité ou de l’innovation dans le sens où je ne vais pas essayer de convaincre ceux qui n’ont rien demandé. Je pense d’ailleurs que l’on peut réellement s’épanouir dans son activité sans être créatif ou innovant. Notre équilibre de vie, notre activité même et notre bonheur ne passent pas forcément par la créativité.
Cela étant dit, c’est vrai que j’encourage les entreprises à être plus créatives, inventives et innovantes non seulement pour se démarquer de la concurrence avec la création et la mise en place de nouveaux produits et services, mais aussi pour trouver de nouvelles solutions au quotidien, gagner en agilité, et trouver de nouvelles manières de travailler, de s’organiser, de communiquer (en interne ou avec ses clients), de marketer ou de résoudre tout type de problème.
Cela se traduira par un gain de productivité, plus de ventes et plus de bonheur au travail. Si chacun est plus créatif, il met en effet plus de sens dans son activité, met en place ou suggère les changements qu’il aimerait voir dans l’environnement dans lequel il évolue…et s’exprime plus librement. Et dans ce sens il peut effectivement s’épanouir.
Quelles sont les qualités d’un magicien qui peuvent être transmises au monde de l’entreprise ?
Le monde de la magie est assez particulier et reste assez mystérieux pour le grand public. La plupart des gens n’ont en effet aucune idée de ce que nous pourrions leur apporter.
Or pour donner l’illusion de l’impossible à un public d’adultes dont les sens sont aiguisés et les esprits furtifs, il faut, entre autres, pouvoir être créatif (pour inventer des méthodes que vous ne pourrez pas deviner), audacieux (pour oser faire ce que l’on fait sous vos yeux, avec le sourire), et aimer apprendre (pour maîtriser toutes les compétences scéniques et toutes les manipulations qui nous aident à vous tromper).
Si vous saviez ce qui se passait réellement sous vos yeux, si vous connaissiez les manœuvres invisibles et machiavéliques qui servent à vous amuser, vous vous diriez « mais comment ils ont pu penser à ça », ou tout simplement « Oh ! Quel roublard… » … et ça vous ferait rire ! Je me suis personnellement concentré sur la créativité car j’ai eu l’occasion de créer des illusions dans le passé et je pense que notre inventivité est vraiment spécifique, ce qui offre une approche différente du sujet de l’innovation.
Comment la pratique de la magie a-t-elle évolué au fil des avancées technologiques ? Comment utilisez-vous les outils digitaux dans vos spectacles ? Permettent-ils encore plus d’interaction avec le public ?
La magie a effectivement évolué avec les technologies : on utilise les smartphones et les tablettes pour créer des effets visuels et magiques, mais pas seulement. On utilise aussi toutes sortes de technologies – Wifi, Bluetooth, capteurs et bien plus – pour mettre en place des méthodes auxquelles on n’avait pas accès avant, comme la réception de codes par vibrations et autres subtilités avec les boîtes mail ou la messagerie des smartphones. Mais comme dans beaucoup de secteurs, les nouvelles technologies n’ont pas pris l’ampleur que l’on attendait. Je n’en utilise par exemple quasiment pas dans mes spectacles et conférences car la réaction typique du spectateur est de se dire (explicitement ou non) : « oui mais c’est une application, on ne sait pas comment ça marche mais bon, si j’avais la même je pourrais aussi le faire ». Donc pour que la magie digitale ne soit pas uniquement « amusante » visuellement mais vraiment impactante, il faut la combiner avec des méthodes plus anciennes et solides, et une présentation de qualité.
J’utilise donc simplement une télécommande Bluetooth (un petit peu « trafiquée ») pour passer les slides ou gérer la musique sans que le public le voit, et 2-3 applications sur mon portable pour faire apparaître un billet ou une carte de visite par exemple, ce qui n’est pas le plus impressionnant mais cela ajoute en magie de proximité un peu de diversité en utilisant le téléphone, un objet qui est vraiment familier auprès de tous.
Quelle sera, selon vous, la prochaine grande innovation du secteur ?
Je sais reconnaître mes qualités mais prédire les prochaines grandes innovations n’en est pas une (malheureusement !). D’ailleurs, j’ai remarqué que les innovations les plus attendues ou les technologies qui étaient censées changer le monde ont souvent fait un flop, que cela soit dans le monde de la magie ou dans n’importe quel secteur. Regardez la réalité virtuelle et la réalité augmentée par exemple : on nous a dit que ça allait changer le monde et aujourd’hui on en voit plus les limites que les possibilités de développement. Et inversement ; quand le premier iPhone est sorti, on ne s’attendait pas à un tel engouement sur le long terme. Idem pour l’intelligence artificielle : elle s’est développée dans une direction que la plupart d’entre nous n’a pas vu venir.
En magie comme dans la créativité ou dans n’importe quel domaine, le plus important à mes yeux est de savoir reconnaître les principes universels (parfois cachés), les méthodes traditionnelles qui ont fait leurs preuves et savoir les combiner avec les nouvelles technologies pour créer quelque chose d’unique pour pouvoir répondre à des besoins ou obtenir des résultats plus efficaces. Ceux qui arriveront à le faire auront toujours un temps d’avance sur les autres.
Quelles sont les réalisations marquantes de votre carrière, celles dont vous êtes le plus fier ?
Je suis fier d’avoir pu synthétiser tout ce que j’ai appris pour aider les particuliers, les entreprises et les entrepreneurs à se développer en leurs propres termes. De pouvoir mettre à profit mon expérience et mon savoir pour aider les autres à voir leur vrai potentiel et à le développer. C’est quand on me dit des choses comme : « c’était vraiment inspirant, merci », ou « ça m’a vraiment débloqué quelque chose » que je suis vraiment heureux pour les autres et fier de l’expérience que j’ai créée pour eux.
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours ? Qu’est-ce qui le rend si particulier ?
J’ai eu la chance d’avoir pu explorer un maximum, d’avoir appris énormément de choses à travers le voyage, la lecture et la pratique de diverses activités. Tout d’abord j’ai fait 25 ans de Judo et du Sambo (sport de combat russe) en compétition. J’ai beaucoup appris en termes de discipline, de valeurs, de mouvement, de santé et sur le travail qu’il y a derrière la pratique d’un sport en compétition. Je faisais aussi du Piano et je composais des petits morceaux pour moi. A la maison comme au sport, on m’a appris d’aller le plus loin possible et de tirer un maximum de leçons de ce que je faisais. C’est ce que j’ai continué à faire par la suite. J’ai alors commencé la magie à peu près en même temps que ma licence d’économie, et je suis parti voyager près d’un an en Amérique latine, seul, avec mon sac à dos avant mon master. J’ai appris énormément de choses sur les gens, sur moi-même et sur différentes cultures (en plus de l’espagnol et du surf). C’était un périple fou avec des rencontres extraordinaires qui ont changé ma vie, et quand je suis revenu, le master n’était plus une option…je me lançais en tant que magicien professionnel.
Puis, j’ai commencé le théâtre et trois ans plus tard j’étais devenu comédien professionnel, j’avais écrit, réalisé et interprété un moyen-métrage et je donnais des cours d’expression et de créativité corporelle. Par ce biais, je me suis d’autant plus intéressé à la créativité et j’ai commencé à créer des illusions dans des magazines pour mes collègues magiciens. A partir de là j’ai écrit un livre intitulé « Creativity for magicians » puis un deuxième pour le grand public. J’ai donné deux TEDx et ma carrière a commencé à se développer.
Ce qui rend mon parcours si particulier est peut-être qu’aujourd’hui j’ai la chance de pouvoir transmettre tout ce que j’ai appris dans des formats cohérents à des personnes qui en voient vraiment la valeur. C’est à la fois improbable vu mon parcours, et à la fois logique, vu que je peux enseigner par l’expérience. J’ai beaucoup de chance d’avoir fait tout ça et je m’en rends compte !
Vous participerez le 29 novembre prochain à la dixième édition du Gala Marketers. Pouvez-vous d’ores-et-déjà partager vos trois bonnes pratiques permettant aux collaborateurs de laisser s’exprimer leur créativité ?
Ha ! Je ne peux pas tout révéler mais d’accord… je vais vous partager 3 pratiques qui prendront d’autant plus de sens quand vous verrez ma conférence.
Premièrement, notez toutes vos idées. Faites-le sinon vous aller les oublier. Et peu importe la qualité de celles-ci.
Deuxièmement, n’attendez pas l’idée du siècle, suivez et faites confiance aux 1001 petites idées absurdes, insignifiantes, improbables ou impossibles que vous avez au quotidien.
Elles sont souvent moins mauvaises qu’on le pense, si on se fait suffisamment confiance pour en voir le potentiel. Au pire, elles vous amèneront à d’autres idées plus intéressantes.
Et enfin, lancez-vous dans un projet (personnel, artistique ou autre) et allez jusqu’au bout de celui-ci. Il n’y a rien de mieux que d’apprendre sur le tas, en créant de nouvelles solutions aux problèmes qui surviennent, quitte à « faire semblant jusqu’à ce que vous y arriviez », comme disent les américains (NDLR : Fake it till you make it). C’est mieux d’aller au bout d’une idée médiocre et d’en tirer une leçon ou deux que d’avoir 100 idées magnifiques dont on ne fait rien par peur d’oser.