Interview croisé Michaël Pressigout, Vice‐Président Exécutif Produit et Édouard Mauvais‐Jarvis, Directeur scientifique Dior.
En quelques phrases, expliquez‐nous comment fonctionne le Deep Learning ?
Michaël Pressigout ‐ Ce terme date de 2012, un moment où l’Intelligence Artificielle a bénéficié d’énormes avancées, à la fois théoriques mais aussi liées aux progrès des ordinateurs. On s’est rendu compte qu’une machine pouvait bénéficier d’un apprentissage automatique performant et apprendre à reconnaître des formes par l’exemple : si on lui montre beaucoup d’images de chiens et de chats, elle finit par être capable d’identifier un chien, ou un chat. Finalement le logiciel ressemble un peu au cerveau humain, avec différentes couches de neurones. Le Deep Learning utilise un réseau de neurones, et adapte les connexions entre eux afin d’améliorer la reconnaissance de formes.
Quelles sont les applications classiques de cette technologie ? Avec quels types d’organismes, dans quels secteurs Owkin a‐t‐il l’habitude de travailler ?
Michaël Pressigout ‐ Tout ce qui concerne l’analyse de sons, d’images, de textes. Siri sur iPhone, Alexa de Google ; sur les réseaux sociaux Facebook, ou Google, utilisent le Deep Learning pour identifier votre visage ; les chatbots décryptent des mots pour comprendre des phrases ; la voiture automatique aussi l’utilisera, afin de distinguer un piéton d’une voiture, ou d’un animal. Nous collaborons surtout dans le domaine de la santé avec des hôpitaux, pour l’imagerie médicale ‐ comment, à partir d’une image prédire la réponse d’un patient à un traitement. D’ailleurs Owkin a été créé en 2016 par un médecin et un chercheur en intelligence artificielle. Nous sommes basés en France (Paris, Nantes) et aux Etats‐Unis.
Comment s’est faite la rencontre entre Dior et Owkin ?
Édouard Mauvais‐Jarvis ‐ Cela fait longtemps que nous travaillons sur les neurosciences et les critères de la perception de la beauté, en particulier pour Capture Totale. Nous cherchions une façon encore différente d’aborder le sujet. Pourquoi se passer des dernières méthodes mises à disposition par la technologie ? Aujourd’hui, le seul moyen de mesurer ces critères est de mettre 30 personnes devant un visage, et de recueillir leurs impressions ‐ nous l’avons fait, pendant des années. Avec le Deep Learning, nous passons à la vitesse supérieure. Car finalement, derrière la subjectivité d’une perception, il existe une logique, que l’on ne sait pas expliquer.
Vous voulez dire que, grâce à l’intelligence artificielle, on devient capable d’objectiver la beauté ?
Édouard Mauvais‐Jarvis ‐ La beauté non, qui est liée à un jugement, une émotion. En revanche, lorsqu’on regarde quelqu’un, on sait instantanément si son visage est en pleine santé ou pas ‐ et cette perception se situe bien au‐delà des rides, des taches, etc. En réalité, notre impression générale d’un visage est liée à une base de données que l’on a emmagasinée au fil de notre vie, et pendant notre enfance en particulier.
Michaël Pressigout ‐ C’est la raison pour laquelle il est aussi difficile d’évaluer l’âge d’une personne venant d’une culture différente de la nôtre ! L’homme est un animal social. Et le logiciel, si on ne lui montre que des visages asiatiques ou occidentaux, ne saura pas davantage le faire pour une autre culture ou ethnie.
Comment avez‐vous fonctionné, concrètement ?
Édouard Mauvais‐Jarvis ‐ Nous avons commencé par demander à une vingtaine d’individus de noter de 1 à 5, sur des visages de femmes venant de France, de Chine et du Japon, que nous leur montrions, les paramètres biologiques fondamentaux que nous avions identifiés : la santé, l’éclat, la vitalité, l’énergie, la force, la tonicité et l’attractivité, et d’évaluer son âge. Après une moyenne des données obtenues grâce aux panelistes, chaque visage réunissait plusieurs informations : âge réel, âge perçu et 7 notes (pour les 7 critères).
Michaël Pressigout ‐ Ces données ont servi de base au logiciel, que nous avons par la suite « entraîné » avec presque 600 photos. En effet, de manière générale, plus on possède de data, meilleurs sont les résultats. La qualité des informations, un sujet récurrent dans le Deep Learning, est également essentielle : en l’occurrence, les photos des visages que nous a fournis Dior étaient d’excellente qualité, prises sous différents éclairages, divers angles, sans aucune variabilité.
Édouard Mauvais‐Jarvis ‐ Ceci est également une donnée fondamentale dans la recherche cosmétique. Toutes nos photographies avaient été prise grâce à notre outil de diagnostic de peau issu de l’imagerie médicale, Dior Skin Scanner.
Vous avez mesuré les visages avant et après application du Super Potent Sérum Capture Totale C.E.L.L Energy…Les résultats ont‐ils dépassé vos espérances ?
Édouard Mauvais‐Jarvis ‐ La technologie ne supprime pas le système d’évaluation de l’humain, mais il permet de le confirmer et de le stabiliser dans le temps. En effet, nous étions particulièrement satisfaits des effets de notre nouveau Sérum !
Michaël Pressigout ‐ Côté Owkin, nous avons clairement été bluffés. D’abord, on se rend compte que les critères de perception d’un visage ne sont pas aléatoires, qu’il existe un consensus que l’ordinateur réussit à analyser, et à reproduire. Ensuite, les résultats avant/après étaient assez étonnants. Le claim de ce sérum est « créer de la matière cellulaire nouvelle et corriger tous les signes visibles du temps ». Cela m’a fait penser à ces technologies émergentes, issues de la reconnaissance faciale, qui génèrent de la matière, de nouvelles images comme Faceapp ou les style transfers (photos à la Van Gogh).
Peut‐on s’attendre, dans le futur, à d’autres innovations grâce au Deep Learning dans l’industrie cosmétique ?
Michaël Pressigout ‐ Définitivement. Je pense notamment à la construction de nouveaux principes actifs, à la conception de produits à partir de ces ingrédients. Aussi, au système d’évaluation des produits : anticiper leur performance, leur tolérance. Il ne s’agirait plus de traiter seulement des images, mais aussi des données cliniques. Des schémas s’ouvrent.
Édouard Mauvais‐Jarvis ‐ Aujourd’hui, on évalue systématiquement l’hydratation avec de nombreuses mesures, mais finalement n’existe‐t‐il pas des données visibles, indéchiffrables par l’homme, qu’une machine pourrait identifier ? On s’éloigne beaucoup de la beauté mais regardez le profiling. Aux Etats‐Unis, les services secrets utilisent déjà le Deep Learning pour cerner des serial killers. Qu’est‐ce que leurs victimes avaient en commun ? Il faut des heures à l’esprit humain, parfois de la chance, pour faire le lien. Une machine peut le trouver instantanément
Communiqué par Parfums Christian Dior