Les nouvelles technologies, les habitudes changeantes des consommateurs ainsi que les considérations environnementales grandissantes redéfinissent actuellement le secteur de la mobilité. Pour discuter de ces évolutions mais aussi de leurs impacts sur les professionnels de l’assurance, BEAST est allé à la rencontre de Michel Etienne, Innov’Expert Mobilité, Foyer.

Quels sont les principaux challenges en matière de mobilité que connait le Luxembourg ? Pouvez-vous partager quelques chiffres significatifs illustrant ces challenges ?

Le challenge numéro un est bien entendu la congestion du trafic : le Luxembourg est un des pays les plus embouteillés d’Europe. Et les indicateurs tendent à montrer que les problèmes pourraient s’aggraver sans changement majeur des comportements en matière de mobilité. Avant 2050, le nombre de résidents devrait croître de 600 000 à 1 000 000.

A plus court terme, d’ici à 2026, le parc automobile composé actuellement de 415 000 véhicules devrait dépasser la barre des 500 000. C’est au Luxembourg que le nombre de véhicules par 1 000 habitants est le plus élevé en Europe : celui-ci s’élève à 740. L’an passé, le nombre d’immatriculations a atteint un nouveau record, avec 52 811 nouveaux véhicules sur les routes luxembourgeoises.

Enfin, à ce jour, 85% des navetteurs frontaliers privilégient la voiture aux transports en commun, chaque jour. S’ils sont aujourd’hui au nombre de 195 000, nous pourrions compter jusqu’à 320 000 frontaliers avant 2050…

De manière globale, quelles sont les principales tendances du secteur de la mobilité ? Lesquelles ont le potentiel de redéfinir la mobilité au Grand-Duché ?

Les problèmes que connaît le Luxembourg sont, à ma connaissance, globalement similaires à ceux que connaissent les autres grandes villes européennes. La proximité des frontières rend néanmoins la mise en œuvre politique des solutions plus complexe.

Quant à la transformation de la mobilité, plusieurs axes peuvent être explorés. Dans un premier temps, tout comme pour l’énergie, la meilleure « mobilité » est celle que l’on ne consomme pas. Le développement de nouveaux services digitaux tout comme le télétravail sont une source d’économie. Citons également le développement conjoint de la multimodalité, des transports en commun et de la mobilité douce. Jusqu’il y a peu, la faiblesse de l’usage des transports en commun résidait dans la réalisation du ou des derniers kilomètres. À titre d’exemple, dans un réseau en étoile, un très court parcours exprimé en distance peut s’avérer très long en temps. Mais aussi, pour les navetteurs, un trajet court reliant la gare au lieu de travail nécessite parfois autant de temps que le trajet en train. L’avènement des vélos et trottinettes électriques ainsi que des monoroues permet de combler partiellement ces lacunes. C’est également le cas des plateformes digitales favorisant la multimodalité et qui facilitent clairement la vie des usagers et les incitent à recourir davantage aux transports en commun. Je citerai comme exemple l’application « MinRejseplan » que j’ai récemment utilisée à Copenhagen et qui propose de manière très efficace et ergonomique de nombreuses alternatives pour chaque trajet.

Enfin, l’économie du partage devrait également se développer au Luxembourg. Une voiture reste en réalité immobilisée la majeure partie de son temps : le partage du véhicule est donc une solution qu’il ne faut pas négliger. Cette solution fonctionne très bien dans les environnements fortement urbanisés et densément peuplés comme les grandes capitales européennes. Cette tendance mettra plus de temps à se développer au Grand-Duché dont le degré d’urbanisation est plus faible.

Quels sont les principaux freins au développement de cette nouvelle mobilité/mobilité alternatives ?

Avant tout, le Luxembourg doit être en mesure de gérer la croissance attendue de sa population, comme discuté plus tôt, qui impactera nécessairement la mobilité au sein du pays.

Si les solutions évoquées ci-dessus contribuent à une meilleure mobilité, il faut en gérer les effets de bord. Je pense notamment à la mobilité douce avec les trottinettes partagées qui encombrent les trottoirs.

Puis, nous remarquons que certains nouveaux services contribuent parfois à une congestion accrue. A titre d’exemple, l’application Uber, si elle a contribué à démocratiser le taxi, amène un nombre conséquent de véhicules supplémentaires sur les routes des villes.

Comment les produits d’assurance peuvent-il s’adapter à ces tendances ? Quelle est l’approche de Foyer ?

Dans le modèle traditionnel, c’est le véhicule qui est au centre du contrat d’assurance, avec des utilisateurs qui doivent assurer leur(s) voitures, leur(s) scooter(s), etc. Or, avec l’avènement de la multimodalité et le développement de la mobilité douce, la voiture n’est plus qu’un élément de mobilité parmi les autres. Il est dès lors nécessaire de faire évoluer notre modèle en conséquence.

Dans notre nouveau produit mozaïk, nous avons mis en avant ce principe en proposant le nouveau module « biens de loisirs » qui couvre toutes les alternatives à la mobilité traditionnelle. Les trottinettes et vélo électriques, hoverboards et autres engins similaires sont couverts contre le vol et la casse, et ce dans le monde entier.

Qu’en est-il de la voiture autonome et du défi que son arrivée représente pour les spécialistes de l’assurance ?

La voiture autonome est attendue avec impatience mais elle tarde à arriver. Et il semble que cela pourrait encore durer un certain temps…

En réalité, malgré toutes les évolutions récentes, il reste très difficile de faire circuler dans le même environnement des voitures autonomes et traditionnelles. Plusieurs experts estiment même que cela ne sera pas possible et que les véhicules autonomes ne pourront à moyen terme véritablement rouler que sur site propre. En effet, l’environnement dans lequel circule un véhicule autonome doit être maîtrisé à la perfection et digitalement cartographié. De nombreuses questions subsistent tant d’un point de vue éthique que technique pour définir les algorithmes de pilotage, sans oublier que les législations nationales et internationales doivent évoluer pour permettre un développement significatif de ce type de véhicule.

Quant aux défis qui se dressent face aux assureurs, j’en dénombre deux principaux : l’identification des responsabilités lorsqu’un véhicule autonome est impliqué, ainsi que la mesure du risque que représente la mise en circulation de chaque modèle de véhicule autonome. Car en effet, chaque modèle va disposer de son propre matériel (capteurs, caméras…) et d’algorithmes spécifiques : la qualité du pilotage ne sera a priori pas homogène.

Qu’en est-il de votre partenariat avec le SnT visant à sensibiliser le public luxembourgeois aux enjeux de la conduite autonome ? Quelles sont les prochaines étapes de cette collaboration ?

Par sa volonté d’être au coeur de la mobilité Luxembourgeoise, Foyer s’implique également avec des acteurs locaux. Dans le cadre d’un accord de recherche conclu récemment avec l’Uni, un doctorant auprès du SnT, a rejoint Foyer à mi-temps. Notre compagnie contribue au développement du véhicule autonome de l’Université. Il s’agit avant tout d’une activité de Recherche & Développement qui vise deux objectifs. Tout d’abord, grâce aux multiples capteurs qui sont placés sur le véhicule, mieux appréhender les enjeux technologiques et nous permettre d’adapter nos modèles de risque en conséquence (par exemple, quel est le réel impact des systèmes d’aide à la conduite (ADAS) sur la sécurité des usagers). Ensuite, si la technologie est une chose, le facteur culturel et l’adoption de la solution par les personnes en est une autre. Prenons par exemple le cruise control adaptatif qui est un premier facteur d’autonomisation. Plusieurs études montrent que, bien qu’il contribue à la sécurité des usagers, la plupart des conducteurs ne l’utilisent en réalité pas ou même le désactivent.

Nous souhaitons donc accompagner au mieux notre clientèle sur le long chemin de l’autonomisation pour contribuer à la baisse du nombre d’accidents sur nos routes. Après une première phase de test durant laquelle le véhicule ne sera utilisé que par les chercheurs de l’université, nous permettrons à nos clients de l’essayer pour les sensibiliser au sujet et être à l’écoute de leurs besoins.

D’autres projets innovants visant à redéfinir la mobilité sont-ils à l’étude ?

Foyer a lancé en interne son programme de Mobilité Intelligente 2026 : MI6. Au-delà du clin d’œil à l’univers technologique de James Bond – l’agent secret 007 faisant partie du service de renseignements extérieurs du Royaume-Uni, et bénéficiant à chaque épisode de la saga des derniers gadgets technologiques possibles et imaginables –, cette initiative réunit des services technologiques (IT, Data Studio), légaux, opérationnels et commerciaux pour nous préparer à la mobilité de demain.

Un premier chantier consiste à enrichir notre écosystème en participant à des conférences et en concluant des partenariats publics et privés avec des acteurs innovants de la mobilité. Nous pourrons ainsi mieux accompagner notre clientèle et contribuer à la prévention, par exemple en l’informant de l’évolution de la règlementation et en dispensant quelques conseils pratiques pour un usage plus sûr des trottinettes électriques et engins similaires. Ensuite, la compagnie souhaite adapter ses produits aux nouveaux usages comme la micro-mobilité (monocycles, trottinettes électriques, etc.) ou encore la multimodalité en incluant d’office dans nos produits des garanties qui permettent à nos clients de circuler en toute sérénité et sécurité, quel que soit le moyen de locomotion utilisé.